← Back to DIALOGUE List

DIALOGUE

ANDO SHOTEN

Vous avez fabriqué un nouveau produit pour le projet présent. Qu’est-ce que cela signifie pour la boutique Ando ? 

Les bonboris ne sont que des produits figurant au milieu des hina-ningyôs ; ils n’ont qu’un rôle secondaire. Mais le point fort de notre entreprise est de maîtriser les techniques de fabrication artisanale traditionnelles de ces objets. Nous pensons qu’il faut innover afin de conserver ce savoir-faire pour les artisans du futur et pour notre propre entreprise. On trouve maintenant des hina-ningyôs dépourvues de bonboris et surtout la demande de ces poupées elles-mêmes ne fait que décroître. Je crois qu’il faut absolument développer un nouveau marché pour empêcher ce savoir-faire de disparaître. 

Nous sommes reconnaissant envers le projet présent, car il nous a offert l’occasion de relever le défi suivant : faire en sorte que les bonboris abandonnent leur rôle secondaire et passent au premier plan. 

Votre collaboration avec le designer vous a-t-elle conduit à quelques changements, comme de nouvelles techniques ou des idées neuves ? 

M. Hirabayashi, le designer, nous a suggéré plusieurs produits ; ses propositions de tabouret et de vase à fleurs nous ont vraiment surpris. En fait, comme nous sommes depuis longtemps dans le monde des luminaires, nous nous sommes cantonnés à ce domaine. Nous admirons ses idées de tailler une petite partie du piédestal ou uniquement une partie de l’abat-jour. 

À ce jour, nous n’avons pas encore assez étudié le marché européen. Nous souhaitons d’abord relever le défi posé par le projet présent. 

Pouvez-vous nous en dire davantage sur les techniques de fabrication utilisées pour le projet présent ? Avez-vous rencontré des difficultés ? 

Cette fois-ci, il ne s’agit pas de coller du papier japonais ou de réaliser des peintures. Pour réaliser le vase à fleurs, nous avons dû employer des techniques de courbage du bois ; c’était un très grand défi pour nous. Déjà, l’objet est assez grand, d’un diamètre de 40 cm. Ensuite, comme il comporte trois fois plus de baleines que d’habitude, il nous a fallu faire preuve d’ingéniosité pour le confectionner à partir de pièces de bois arquées. Celles-ci sont courbées en les chauffant puis elles sont insérées dans une gouttière afin de les fixer. Toutefois, réaliser cette opération de façon uniforme requiert toute l’habileté d’un artisan. Il y a beaucoup de baleines et elles sont plus fines que celles des bonboris que nous avons coutume de fabriquer, mais après de nombreuses tentatives, je pense que nous avons finalement réussi à nous approcher de la forme idéale que nous cherchions à obtenir. 

Quant au tabouret, nous employons une technique de tournage sur le matériau inférieur du bonbori afin de le rendre lisse en le rabotant. Au début, il s’est déformé sous l’action du poids de l’objet, mais nous nous y sommes repris maintes fois, en donnant au pied la forme d’un arbre ou en essayant d’obtenir cette forme en ferronnerie… Le matériau utilisé pour le tabouret est le même que celui du bonbori : le hêtre du Japon. Très facile à sculpter, son grain ressort de façon magnifique. 

Quel matériau utilisez-vous pour le vase à fleurs ? 

Nous employons du cyprès du Japon. Il est facile à utiliser, car il est tendre, son grain est superbe et il a même une odeur agréable. Toutefois, c’est un matériau dont nous ne nous servons pas souvent pour les bonboris. Comme ces derniers sont des objets laqués, nous pouvons choisir d’autres essences pour les confectionner. La particularité de ce vase à fleurs est que nous nous sommes évertués à employer un matériau que nous avons rarement travaillé jusqu’ici. Aussi, l’intention du designer était de nous faire utiliser à tout prix un bois naturel. Notre création exploite parfaitement ce matériau. 

Combien de temps a-t-il fallu pour réaliser le produit final depuis la formulation des premières idées créatives ? 

Il a fallu six mois. Nous avons enchaîné les essais avec les petites pièces constitutives ; avant d’obtenir un résultat proche d’un produit abouti, il aura fallu fabriquer pas moins de quatre prototypes pour le tabouret et autant pour le vase à fleurs. 

D’habitude, lorsqu’il s’agit de concevoir un nouveau produit, nous déléguons cette tâche à un artisan chevronné dans la fabrication artisanale traditionnelle. Mais cette fois-ci, nous avons souhaité que de nouveaux ouvriers puissent réaliser leur rêve et nous avons donc confié la réalisation à de jeunes artisans de 30 à 50 ans. Ils ont relevé le défi de travailler ensemble, même si la confection d’objets aussi grands était une première pour eux. Je crois qu’il s’agit là d’une bonne expérience. Tout s’est déroulé sous la direction d’un artisan chevronné et en suivant les conseils du directeur de notre entreprise, un artisan traditionnel de bonboris unique. 

Quelle vision avez-vous de la transmission des techniques futures ? 

Je souhaite que nous puissions continuer à fabriquer des bonboris adaptés à chaque époque et répondant aux besoins des clients, tout en préservant le savoir-faire, afin de léguer ces objets d’artisanat aux générations suivantes. Je sais que l’on ne peut pas toujours réussir du premier coup lorsque l’on essaie quelque chose de nouveau, mais je crois qu’il est important de continuer à persévérer pour relever ce défi. Nous proposons inévitablement beaucoup de produits imprégnés de la culture traditionnelle, mais je pense qu’il est essentiel de fabriquer désormais des objets pratiques, que l’on peut utiliser dans la vie quotidienne, ou des articles faisant la part belle aux bonboris. 

Oser fabriquer à la main dans un monde où la mécanisation continue de s’étendre, quelle valeur cela a-t-il pour la boutique Ando ? 

Notre point fort est de pouvoir réparer des bonboris vieux de 100 ans. Il existe des techniques permettant de redonner vie à des objets autrefois fabriqués à la main. Pour cette raison, nous tirons un orgueil particulier à avoir su conserver ce savoir-faire traditionnel jusqu’à nos jours. Je souhaite que nous continuions à confectionner des bonboris « faits main », des produits que les autres entreprises ne sont pas en mesure de fabriquer, tout en employant ces techniques du passé. 

Prenons l’exemple des interstices sur le cadre en bois conférant sa forme au bonbori. Comme ce cadre est fabriqué à la main, les espaces sont très légèrement différents. Il faut découper les feuilles de papier japonais pour qu’elles y correspondent parfaitement lors du collage ; bien évidemment, cette opération ne peut pas être réalisée avec une machine. Je pense que le principal atout des bonboris de fabrication artisanale traditionnelle est le fait qu’ils ne peuvent pas être réalisés autrement qu’à la main. 

Quel emploi souhaitez-vous que l’on fasse de ces produits qui vous prennent beaucoup de temps à fabriquer ? 

Nous avons toujours conçu des produits imprégnés de la culture traditionnelle japonaise. Le plus important pour nous est de conserver respectueusement ces techniques et méthodes de fabrication. Tout en gardant ceci à l’esprit, je trouve que ce que nous avons réalisé avec difficulté dans le cadre du projet présent est un produit simple que l’on peut utiliser au quotidien. J’ai entendu dire qu’en Allemagne, depuis l’époque de mon grand-père, ils prolongent l’usage de leurs meubles pendant des décennies en les réparant. Ma plus grande joie est de fabriquer des objets que l’on peut continuer à utiliser et à apprécier pendant longtemps, des produits du quotidien que l’on peut transmettre à ses petits-enfants simplement en les restaurant. 

1 2