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DIALOGUE

NAGAE TRADITIONAL DOLLS

La collaboration avec le designer des vases a-t-elle modifié vos approches conceptuelle, stylistique ou technique ? 

N’ayant initialement fabriqué que des poupées traditionnelles, il me semblait inimaginable d’appliquer ces techniques à des créations radicalement différentes. J’étais même inquiet, car la confection des poupées est réputée très ardue. Nous avons suivi la proposition du designer pour les soliflores, même si notre motivation initiale était de nous atteler à la diffusion des poupées Hina hors de l’archipel. Il nous a suggéré de nous focaliser d’abord sur un objet distinct des poupées, mais dont le succès éventuel permettrait de faire découvrir secondairement qu’il utilise les mêmes techniques que celles des poupées. Et nous nous sommes finalement rangés à son avis. Après de nombreux tâtonnements, l’idée m’est apparue véritablement lumineuse, car elle a permis d’élargir le potentiel du savoir-faire artisanal accumulé dans les poupées traditionnelles. 

Avez-vous eu des surprises ou des découvertes lors de la réalisation des premiers exemplaires ? 

La combinaison des tissus Kōshū Inden et occidentaux a été une vraie innovation. Au début, j’avais un peu l’impression d’enfiler un kimono sur un vase, et je ne pouvais détacher mon esprit des poupées. Ma première tentative de superposition des tissus sur le devant du vase rappelait trop celle de l’encolure d’une poupée. Sur les conseils du designer, j’ai finalement réussi à établir un contraste plus net des recouvrements de tissu tout autour du vase. Je n’avais pas pensé à cette possibilité et ce fut une révélation pour moi. 

Quelles sont les différences et les défis par rapport à la confection des poupées ? 

Comme les formes et les matériaux étaient inhabituels, il nous a fallu procéder par essais successifs. Comment enrouler le tissu ? Comment agencer l’ensemble ? Les sources de préoccupation étaient nombreuses. Avant de me lancer dans la confection d’une poupée, j’ai toujours une image préalable en tête. Mais là, avec les vases, rien ne venait. J’ai donc dû faire preuve de créativité pour m’adapter, notamment pour la découpe et l’assemblage. 

Ces tissus inhabituels vous ont-ils posé problème ? 

Oui, ces nouvelles étoffes ont eu un impact sur la méthode de collage. De même, leur épaisseur et leur texture spécifiques m’ont amené à modifier ma façon concrète de les mettre en forme. 

Comme je l’ai déjà dit, la précision du recouvrement des divers tissus est un élément crucial. Plus il y a de couches, plus le processus est complexe, avec un ajustage souvent nécessaire au millimètre. Certains tissus sont bouffants, d’autres sont étriqués, ce qui complique leur parfaite adaptation au support et aux couches précédentes. Nous avons également créé, en collaboration avec le menuisier et après moult essais, un vase dont l’équilibre des dimensions est, je crois, idéal pour notre projet. 

Combien d’artisans sont impliqués dans la fabrication des soliflores ? 

Entre cinq et sept personnes, en incluant le menuisier chargé de la base du vase, l’émailleur du vase cylindrique interne, et les tisserands. 

Vous représentez vous-même la deuxième génération d’artisans de votre atelier, comment voyez-vous à l’avenir la transmission de votre savoir-faire ? 

Ma fille collégienne dit depuis toute petite qu’elle veut faire comme moi des poupées traditionnelles. Et c’est vrai que la transmission de ce savoir-faire se fait souvent au sein d’une même famille. Mon cas est un peu une exception. Il me semble concrètement difficile d’intégrer de nouvelles personnes dans ce domaine. Mais je souhaite de tout cœur perpétuer cet artisanat de poupées, que ce soit pour la culture japonaise ou pour ma fille. Pour cela, nous devons préserver ce savoir-faire traditionnel tout en l’ouvrant à de nouveaux horizons plus adaptés à l’air du temps. 

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